REVER 3
Recherche sur les échanges Verbaux en Rêve
Publié le 20 juin 2025 – Mis à jour le 20 juin 2025
Alors que plus de 60% des récits de rêves mentionnent des actes de langage, le plus souvent sous forme de dialogues, et qu'ils constituent manifestement le type d'activité le plus fréquent des personnages du rêve, il n'existe que très peu d'études sur le sujet (Meier, 1993). De tous les éléments du rêve, l'élément verbal est pourtant le seul qui puisse être facilement rapporté dans la même modalité que celle dans laquelle le rêveur l'a vécu. Il devrait donc être un objet d'étude privilégié pour des analyses quantitatives et comparatives rigoureuses. La somniloquie, en particulier lorsqu'elle survient en sommeil paradoxal chez des patients souffrant de troubles du comportement en sommeil paradoxal (Arnulf et al, 2017), permet, en outre, de comparer les propriétés des discours rapportés par les rêveurs au réveil avec ceux exprimés en temps réel pendant le sommeil.
Dans ce contexte, l’objet principal du Projet REVER est d’apporter une contribution à la compréhension des mécanismes du rêve à travers la comparaison systématique des propriétés des énoncés verbaux du personnage du rêveur (Personnage Principal ou PP) et de celles des personnages du rêve (Personnages secondaires ou PS). Tandis que le rêveur a le plus souvent le sentiment d’être l’agent de ce que pense, décide et dit le PP dans le rêve, un tel sentiment d’agentivité et de contrôle est rare, voire absent, pour ce que disent et font les PS (Kahan, 1994). De fait, nous avons pu vérifier que, pendant le rêve, le rêveur est bien plus souvent surpris par les propos des PS que par les propos qu’il tient en tant que PP. Pourtant, aucune des investigations conduites depuis 2021 n’a permis de mettre en lumière la moindre différence dans la compétence linguistique des PS par opposition à celle du PP (Crespin, 2025[1]. Voir surtout Logique du rêve, à paraître le 10 septembre 2025).
Au-delà de la seule question des rêves, ce projet de recherche pourrait nous éclairer sur les mécanismes de production de l’endophasie non-intentionnelle, i.e. la parole intérieure qui survient à l’improviste, de façon non-délibérée, notamment dans les moments de rêverie ou de vagabondage mental. Mieux comprendre la mécanique des échanges verbaux dans le rêve est également susceptible de nous faire avancer dans l’élucidation des phénomènes hallucinatoires qui, comme chez « les entendeurs de voix », font que le sujet a le sentiment de ne pas être l’auteur d’une partie de son propre dialogue intérieur (d’où la collaboration étroite avec Hélène Loevenbruck, Directrice de Recherche CNRS en Science du langage, Responsable de l’équipe langage du Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (UMR, CNRS 5105, Université Grenoble Alpes).
Enfin, nous menons depuis 2024 avec le LPNC de Grenoble une étude comparative sur le taux de métaphores présentes dans les échanges verbaux oniriques et la somniloquie (sleeptalking) par opposition au taux de métaphores dans le langage éveillé, en portant une attention particulière aux « métaphores délibérées », en particulier lorsqu’elles sont signalées par un « comme » (Steen, et al 2010). Selon une idée populaire, mais sans véritable appui scientifique, le rêve serait un langage métaphorique, riche en symboles à déchiffrer. Mais de récentes études de neuro-imagerie indiqueraient que le cerveau rêvant n'a pas les moyens neuro-cognitifs de produire de telles métaphores (Beaty et al, 2017 ; Domhoff, 2022). L’étude comparée du langage endormi vs vigile devrait permettre de trancher.
Ce programme de recherche est également conduit en collaboration avec le Service des Pathologies du Sommeil de la Pitié Salpêtrière.
Le projet REVER donnera lieu à la publication d'un ouvrage (09/2025).
Ce programme est soutenu financièrement par la MSH de Clermont-Ferrand depuis 2021. REVER a vu ce soutien renouvelé pour un an (2025).
[1] Crespin L. Dreaming is a conscious experience in its own right: proponents of non-cognitive and non-executive theories of dreaming suffer from a retrospective illusion of their waking extended self. Conscious Cogn. 2025 May 30;133:103890. doi: 10.1016/j.concog.2025.103890. Epub ahead of print. PMID: 40449159.
Responsables Scientifiques : Ludwig Crespin, Docteur et professeur agrégé en philosophie, et Sébastien Gandon, PR de philosophie
Discipline : philosophie, psychologie, linguistique, médecine
Laboratoire Associé : PHIER (UCA) et LPNC (MSH-Alpes/UGA)
Inscription dans les axes scientifiques de la MSH : « Rupture, révolution, innovation »
Durée du projet : 1 an