Publié le 20 juin 2025 Mis à jour le 20 juin 2025


La crise écologique et ses effets en cascades posent de nouveaux enjeux d’adaptation pour les territoires : infléchissement d’un paradigme expansionniste et extractiviste, abandon d'infrastructures non soutenables, démolition ou déconstruction d’ouvrage dans des territoires sinistrés... Elles dessinent un nouveau champ d’investigation, celui du déploiement d’approches décroissantes ou soustractives de la conception allant à rebours du geste productif qui a longtemps porté les logiques d'aménagement du territoire. Ces pratiques et les mots d’ordre auxquels elles renvoient (se passer de, construire/détruire moins, se contracter plutôt que s’étendre, abandonner, défaire, laisser en friche, etc.) sont encore marginales aujourd’hui, mais semblent bien vouées à se multiplier dans les décennies à venir. Toutefois, si nous sommes bien familiers avec les manières de penser l’organisation collective visant à produire un nouvel ouvrage ou à étendre ses fonctions, nous semblons encore relativement démunis pour penser les modalités opérationnelles de ces projets de soustraction et leurs implications écologiques et sociales.
 

En particulier, nous retiendrons l’enjeu de l’acceptabilité des démarches de soustraction au sein des politiques publiques, dans des situations volontaires comme subies. La question de la décroissance, de l’abandon ou du démantèlement s'additionnent généralement à la menace d’un nouveau régime climatique pour ces territoires vulnérables. Les démarches soustractives ne peuvent être circonscrites à un simple problème technique de démantèlement ou de mise en friche, mais doivent bien plus largement être étendues à une reconfiguration profonde des jeux d’acteurs en présence, des représentations et des manières possibles d’habiter leurs territoires. Elles ne peuvent faire abstraction d’une réflexion portant tant sur de nouveaux régimes de gouvernance collective ou leurs mises en œuvre opérationnelle que sur les dynamiques de reconfiguration anthropologique et sociale de nos sociétés modernes face au nouveau régime climatique.
 

Ce projet de recherche se propose de rassembler des chercheurs issus d’horizons disciplinaires variés pour les inviter à réfléchir collectivement à ces approches soustractives de l’aménagement. Il s’agit autant ici d’envisager les conditions d’un atterrissage de la recherche dans une réalité concrète d’un territoire du Massif Central que de ménager par l’intermédiaire du terrain, un espace de rencontre entre disciplines par la co-construction d’un protocole de recherche interdisciplinaire et participatif. La première année engage un travail d’état de l’art et de recensement d’un ensemble de situations concrètes où les contraintes environnementales ou socio-économiques ont poussé les acteurs publics à déployer des politiques proactives de renoncement, d’abandon, de démolition d’un ouvrage, d’une infrastructure, ou d’enfrichement d’une portion de son territoire. Ces travaux préparatoires seront présentés lors de deux journées d’étude interdisciplinaires où seront croisés des éclairages de chercheurs, d’architectes et d'acteurs publics locaux. Nous y organiserons des travaux en atelier visant à poser les bases de ce que pourrait être un programme de recherche interdisciplinaire autour de situations concrètes de décroissance du Massif Central à déployer lors de la seconde année. La seconde année s'attellera à consolider et adapter ce protocole de recherche interdisciplinaire aux effectifs et aux moyens disponibles, à son déploiement exploratoire puis à la valorisation des résultats de recherches auprès de la communauté scientifique comme du public élargi.
 

Lauréat de son appel à projets interdisciplinaires 2024, ce programme est soutenu financièrement par la MSH pour deux ans (2025-2026).