Publié le 20 juin 2025 Mis à jour le 20 juin 2025

La guerre en Ukraine a pris le monde de l’action humanitaire de court. Des initiatives de logistique individuelles ont spontanément éclos, notamment en Pologne, pour mettre en mouvement des produits de première nécessité.

La logistique ou supply chain management (SCM) humanitaire opère dans le contexte de la préparation aux crises, de la réponse à leur apporter ou de la reconstruction qui s’en suit dans le but de sauver des vies et d’alléger la souffrance. La logistique humanitaire est assurée par des ONG, des agences des Nations Unies, des entreprises privées. Les mouvements de citoyens qui s’auto-investissent de missions de logistique humanitaire sont souvent ignorés par les sciences de gestion. Ces logistiques humanitaires spontanées peuvent pourtant s’avérer plus pertinentes et plus performantes que les chaînes pilotées par les organisations humanitaires.

De façon extrêmement critique, certains écrits anthropologiques positionnent ces manifestations de self-organizationla preuve de / et la solution à la faillite de l’action humanitaire, arguant que le déploiement du SCM détourne l’action humanitaire de son propos essentiel et en fragilise considérablement les opérations. Un argument d’autant plus perturbant que le champ des sciences de gestion défend la transposition des principes du SCM à la logistique humanitaire et leurs enrichissements croisés. Cette aide humanitaire distribuée est défendue comme délivrant une aide plus rapide, moins chère et plus réactive. Les anthropologues opposent la logistique humanitaire organisée via les agences des Nations Unies, les ONG, les entreprises - qui s’appuie sur un réseau d’infrastructures centralisées, sur des stock prépositionnés, des convois de grande ampleur - à la logistique humanitaire distribuée (Distributed Humanitarian Logistics), agissant par capillarité, s’organisant en réseaux spontanés qui imitent l’architecture Internet et revêtent de nombreux attributs de la crowd logistics.

Cette recherche a pour objectifs de :

  • Réaliser une analyse de littérature des écrits portant sur les initiatives spontanées des individus/communautés en matière de logistique humanitaire ;

  • Caractériser les initiatives de logistique humanitaire spontanées en Ukraine (et ailleurs) en utilisant le concept englobant de crowd (humanitarian) logistics ;

  • Examiner les arguments des acteurs de terrain, des praticiens humanitaires, des bénéficiaires et des académiques des deux disciplines quant aux modalités observables des initiatives de logistique humanitaires distribuées, à leur pertinence, à leurs limites respectives ;

  • Rechercher, dans l’approche anthropologique, des points d’amélioration du regard posé par le SCM sur ces modalités spontanées et sur le design de procédures d’accompagnement par les acteurs collectifs, notamment privés.

Lauréat de son appel à projets interdisciplinaires 2024, ce programme est soutenu financièrement par la MSH pour deux ans (2025-2026).